SEARCH AND PRESS ENTER
Minos Argyrakis

Minos Argyrakis

Greek
1919 - 1998

Biographie

Minos Argyrakis était un peintre, illustrateur, décorateur de théâtre et l’un des conteurs visuels les plus particuliers de la Grèce moderne. Son œuvre était un mélange d’humour et de lyrisme, une composition de satire aiguisée et de sensibilité poétique, tissée dans un langage artistique unique. Né à Smyrne en 1919, Argyrakis était un petit enfant lorsque sa famille fut forcée de quitter sa patrie en raison de la Catastrophe d’Asie Mineure.

Il a fréquenté le Collège d’Athènes, l’une des écoles les plus prestigieuses de l’époque, mais son intérêt n’était jamais tourné vers l’éducation conventionnelle. Il a tenté à deux reprises d’intégrer l’École des Beaux-Arts d’Athènes, sans succès. Au lieu de se décourager, il a suivi sa propre voie dans la peinture, apprenant de manière informelle auprès de son ami proche Yannis Tsarouchis et puisant son inspiration chez des peintres populaires comme Theophilos et le monde de Karaghiosis. Pendant l’Occupation, Argyrakis a rejoint l’EPON (Organisation Panhellénique Unie de la Jeunesse). Dès ses débuts, son art a pris un caractère social et politique — un esprit de résistance qui définirait son œuvre tout au long de sa vie.

Après la guerre, Argyrakis a commencé à travailler comme caricaturiste et illustrateur pour des journaux et des magazines, en Grèce comme à l’étranger. Ses dessins, accompagnés de courts commentaires ironiques, combinaient l’humour avec une critique sociale acérée. Son style se distinguait : lignes libres et fluides, déformations ludiques et une expressivité qui capturait à la fois les absurdités et les mélancolies de la vie contemporaine. Son premier album, Rue des Rêves (Οδός Ονείρων), cristallisait la double nature de son art : d’un côté, un satiriste remarquable, de l’autre, un rêveur doté d’une profonde sensibilité lyrique. Cette œuvre a inspiré Manos Hadjidakis à créer la performance musicale emblématique Rue des Rêves (1962), mise en scène par Alexis Solomos et interprétée par Dimitris Horn. Argyrakis lui-même a conçu les décors et les costumes.

En 1964, il a fondé le petit théâtre expérimental L’Arche d’Amy (Κιβωτός της Άμυ) à Plaka, un espace décoré par Tsarouchis avec des nuances rouges et dorées. Là, il présentait des spectacles de mime avant-gardistes et organisait des projections nocturnes de films muets. L’Arche d’Amy est devenue un refuge pour l’art non conventionnel, mais la dictature de 1967 l’a pris pour cible. Argyrakis s’est exilé volontairement à Copenhague, où il a créé la satire politique Sexagon, une critique audacieuse du régime. Après la chute de la junte, il est retourné en Grèce et a travaillé intensivement dans le théâtre et la télévision. Il a collaboré avec Yannis Dalianidis sur Luna Park, a conçu des costumes pour l’Opéra National Grec, et a participé à de nombreuses expositions artistiques en Grèce et à l’étranger.

Son dernier travail de scénographie a été pour Pornographie de Manos Hadjidakis (1982), clôturant ainsi une longue collaboration. Parallèlement, il a continué à peindre et à exposer ses œuvres dans des galeries internationales. Ses tableaux, pleins de couleurs vives et d’une force narrative, oscillaient entre l’art populaire, le surréalisme et la satire. L’art d’Argyrakis se mouvait entre la peinture et l’illustration, entre le lyrisme et la critique sociale aiguisée. Il disait que son œuvre se divisait en deux éléments contrastés : d’une part, la caricature et la satire, d’autre part, le lyrisme et la poésie. « En réalité, » disait-il, « ces deux éléments ne font qu’un. Les deux sont des façons de comprendre le monde. »

Au cours des dernières années de sa vie, sa santé s’est détériorée et il est décédé en mai 1998, peu avant son exposition rétrospective prévue à la Galerie Nationale. Minos Argyrakis n’était pas simplement un peintre, un caricaturiste ou un décorateur de théâtre. Il était un conteur, un rêveur et un artiste qui n’a jamais eu peur de défier, de satiriser, mais aussi de chanter les aspects les plus sensibles de la vie.

 

Georgia Dimopoulou
Classicienne – Éditrice