Biographie
Constantin George Macris, né le 7 avril 1917 au Caire de parents grecs originaires de Céphalonie, était un artiste dont l’œuvre fait le pont entre les racines méditerranéennes de son héritage et le dynamisme artistique du Paris d’après-guerre. Sa jeunesse fut marquée par l’environnement riche et cosmopolite du Caire, une ville qui l’initia aux grands mouvements artistiques occidentaux grâce à des expositions locales et aux œuvres de maîtres tels que Picasso, Braque et Matisse. Cette exposition constante à l’avant-garde suscita en lui le désir d’explorer l’art moderne, en particulier l’interaction entre la lumière, la couleur et la forme—une quête qui allait s’épanouir à Paris, où il s’installa en 1948 après avoir servi dans l’Armée de l’air grecque pendant la Seconde Guerre mondiale.
À Paris, véritable Mecque du monde artistique, Macris s’immergea dans la scène artistique vibrante et s’inscrivit à l’atelier de Fernand Léger. Cette période sous la direction de Léger s’avéra cruciale. L’accent mis par Léger sur la composition et la libération par l’abstraction résonna profondément chez Macris, l’encourageant à explorer les structures fondamentales de la géométrie. La théorie de Léger incita de jeunes artistes comme Macris à s’engager dans une approche indépendante de la forme et de la couleur, en s’affranchissant des limites traditionnelles de la représentation, forgeant ainsi son style distinctif en peinture abstraite.[1]
Au début des années 1950, Macris avait développé un style unique. Ses premières œuvres parisiennes se caractérisaient par une palette sombre et des formes simplifiées, capturant l’interaction entre la lumière et l’ombre dans des cadres urbains, un thème inspiré par les scènes nocturnes de la ville. Ses compositions témoignaient d’une évolution croissante vers l’abstraction, utilisant des points lumineux et des contrastes de couleurs évoquant un « modernisme primitif. » Son travail commença à attirer l’attention, ce qui le mena à participer à des expositions prestigieuses. En 1954, Pierre Loeb accueillit Macris à la Galerie Pierre, qui présentait les artistes les plus distingués de l’époque.
Le style de Macris continua d’évoluer au milieu des années 1950, fortement influencé par ses rencontres avec l’art et les paysages néerlandais. Lors d’une rencontre fortuite dans un atelier d’art, il fit la connaissance de Pauline Eecen, une sculptrice néerlandaise dont l’affinité naturelle pour les matériaux bruts et les textures faisait écho à son intérêt croissant pour des compositions similaires. Les deux artistes se marièrent en 1956 et développèrent un partenariat créatif marqué par une inspiration mutuelle. Leur déménagement aux Pays-Bas, de 1958 à 1960, ouvrit un nouveau chapitre dans le parcours artistique de Macris. Il intégra des compositions plus douces qui reflétaient la tradition esthétique néerlandaise, le ciel gris et l’omniprésence de l’eau.[2] Sa palette s’éclaircit, ses lignes s’adoucirent et ses formes adoptèrent la fluidité innée de la nature tout en conservant son style abstrait et introspectif.
À son retour en France au début des années 1960, Macris entama une période de travail profond et introspectif. Avec la fermeture de la galerie Loeb après la mort du galeriste en 1964, Macris choisit de ne pas chercher de nouvelle représentation. Cette période marqua un tournant vers des compositions plus structurées et un retour à l’art figuratif, principalement à travers des portraits et des formes humaines. Il trouva une source d’inspiration dans les œuvres de Frans Hals, peintre de l’Âge d’or néerlandais, reconnu pour son utilisation de la lumière et son coup de pinceau dynamique. Macris adapta les méthodes de Hals, et sa réinterprétation de ces techniques classiques dans un contexte abstrait démontra son profond engagement avec la matérialité de la couleur, de la lumière et de la texture.
La figure humaine occupa une place centrale dans les œuvres tardives de Macris, avec des formes simplifiées et récurrentes qui transcendaient l’identité individuelle. Ses représentations des formes humaines—têtes, figures assises et debout—invitaient les spectateurs à trouver leurs propres reflets dans les compositions abstraites. À travers l’étude systématique et la réinterprétation des techniques de Hals, Macris créa des figures qui occupaient et dépassaient le plan bidimensionnel, engageant les spectateurs dans une exploration contemplative de la présence et de l’identité.[3]
Les dernières années de Macris furent marquées par un projet ambitieux : une série de quatorze peintures à grande échelle destinées à encapsuler l’ensemble de ses connaissances et idées accumulées. Malheureusement, sa mort prématurée le 4 septembre 1984 à Orsay l’empêcha d’achever cette série. Le parcours artistique de Macris reflète une profonde intégration de diverses influences culturelles, des rivages ensoleillés de la Méditerranée à la complexité urbaine de Paris et aux paysages nuageux des Pays-Bas. Son œuvre reste un témoignage puissant de l’évolution artistique, faisant écho à la fois à la fugacité et à la résilience de la vie à travers un langage visuel qui, bien que ancré dans le milieu du XXᵉ siècle, continue de traiter de thèmes intemporels tels que la lumière, la forme et l’expérience humaine.
Georgia Dimopoulou
Classicienne – Éditrice
[1] Joannidès D., « Le Paris des ateliers » dans Pauline Eecen & Constantin Macris – Une aventure artistique, p. 2, Paris.
[2] « Constantin Macris (1917-1984) » dans Neuf artistes grecs abstraits à Paris dans les années 1950, p. 20, Paris.
[3] Macris S., « Les trois périodes de l’œuvre de Macris » dans Pauline Eecen & Constantin Macris – Une aventure artistique, p. 10, Paris.